Skip to content

RÉCITS DES FONDS MARINS

Grâce à la cartographie des naufrages dans une approche favorisant le développement durable, les Bermudes livrent des enseignements sur l’histoire, la biodiversité et le patrimoine marin.

Renommées pour leurs pantalons, leurs gros oignons, leurs régates de voiliers et leur charme colonial, les Bermudes sont un véritable paradis insulaire : romantique, intime, voire un brin mystérieux. Il se trouve que cet archipel subtropical situé dans l’Atlantique Nord est aussi la capitale mondiale des naufrages, avec plus de 300 épaves disséminées sur 400 kilomètres carrés de récifs coralliens.

Les navires ont commencé à arriver – et à couler – en 1609, pour la plupart en route de l’Angleterre ou de l’Europe vers les Amériques, ignorant que les eaux dans lesquelles ils s’aventuraient étaient périlleuses et peu profondes. Chaque naufrage donne un aperçu unique de l’histoire maritime des Bermudes et de l’environnement nautique de l’époque, et permet de raconter un récit singulier aux amateurs de plongée libre et sous-marine.

Grâce au défi Bermuda 100, l’exploration de ces naufrages spectaculaires est désormais à la portée de tous, car on peut à présent les examiner de près sur le site Bermuda100.ucsd.edu. Une équipe de chercheurs et de conservateurs a commencé à cartographier 100 naufrages en utilisant la photogrammétrie – une technique qui permet de prendre des mesures à partir de photographies – afin de concevoir un atlas numérique des eaux environnantes des Bermudes. Depuis l’inauguration du programme à l’automne 2016, annoncée officiellement aux conférences TEDx aux Bermudes, ces spécialistes documentent numériquement les naufrages et conçoivent des modélisations 3D de chaque navire. Un survol virtuel panoramique des épaves qui jonchent le fond marin ainsi que des modèles interactifs saisissants sont d’ores et déjà disponibles sur le site Web.

Trois acteurs principaux pilotent le projet. Le conservateur des naufrages du gouvernement des Bermudes, Philippe Max Rouja, se charge de la plongée et de la photographie. Son frère Jean-Pierre Rouja, cinéaste et technicien en technologies de la conservation, assure les installations sur le terrain ainsi que le rendu des images et la correction des couleurs. Les dossiers sont ensuite transmis à Falko Kuester, un chercheur à l’University of California San Diego (UCSD), dont l’équipe transforme les images brutes en imagerie 3D.

« Ce projet est l’occasion d’éclairer un pan de l’histoire du patrimoine culturel mondial, dit Falko. Notre point de départ est notre passion pour les milieux naturels, mais aussi pour le patrimoine marin, un patrimoine qui raconte l’exploration humaine, l’aventure humaine, mais aussi la mésaventure. C’est un récit qui relie différentes époques et qui interpelle des personnes de tous les âges. »

Jusqu’à maintenant, 35 naufrages ont été mis en ligne sur le site Web du défi, dont trois sont traités en profondeur, notamment le bateau à roues à aubes latérales Mary Celestia, qui a coulé en 1864 en transportant du ravitaillement pour la guerre de Sécession. « Le Mary Celestia a un relief accidenté et des éléments spectaculaires que les gens seront ravis de découvrir », assure Philippe.

« Parvenir à documenter 100 épaves est principalement une question de ressources. Il faut trouver quelqu’un pour soutenir les expéditions et fournir un soutien financier, explique Falko. En ce moment, c’est un travail de passionnés. Nous le faisons parce que cette histoire doit être racontée. »

L’identité nationale des Bermudes est profondément liée à son historique de naufrages. Et les plus de 300 épaves ont depuis longtemps une seconde vie, devenues des sites de plongée et des récifs artificiels. Si la conservation de l’histoire demeure l’objectif principal du défi Bermuda 100, celui-ci a beaucoup d’autres retombées. En découvrant l’histoire des lieux, les gens en apprennent aussi davantage sur l’écologie, la culture marine et la biodiversité.


La plage de Horseshoe Bay

« L’intérêt que nous avons déjà suscité auprès du public international grâce à des magazines et documentaires a des retombées très directes en matière de tourisme, se réjouit Philippe. Cette visibilité internationale donne un sentiment de fierté aux habitants des Bermudes envers ce patrimoine, ce qui en favorise également la conservation. Notre travail propose à la population une manière nouvelle de s’intéresser à son patrimoine. »

Le travail accompli par l’équipe du défi Bermuda 100 permet d’analyser non seulement la transformation des épaves, mais aussi le milieu marin même, ainsi que les coraux et les poissons qui y ont élu domicile. Puisque la pêche est interdite aux alentours des sites de naufrage, ceux-ci sont des espaces privilégiés de conservation du poisson. Les épaves sont également une excellente manière pour le grand public de s’intéresser à l’océan. De nombreuses personnes se rendent aux Bermudes spécialement pour faire de la plongée sous-marine, ce qui en fait une industrie florissante. Les invités du Fairmont Southampton peuvent choisir parmi un vaste éventail d’excursions afin de prendre le temps d’explorer les épaves ou simplement de découvrir les récifs des Bermudes. Les visiteurs peuvent également se rendre sous terre à proximité, dans les Crystal Caves, des grottes qui dévoilent des merveilles naturelles de stalagmites, de stalactites et de bassins limpides illuminés.


Les saisissantes Crystal Caves dans le Hamilton Parish, aux Bermudes

Le développement durable est devenu une tendance importante sur l’île, et les environnementalistes, les promoteurs et les acteurs de l’industrie des sports nautiques contribuent tous à sensibiliser les touristes et la population locale à l’importance de la conservation et de la sauvegarde des milieux naturels.

Les efforts déployés sur la minuscule Nonsuch Island sont un exemple parfait du travail en cours pour revitaliser l’environnement terrestre des Bermudes. La mission de cette réserve naturelle, qui accepte très peu de visiteurs, est de reconstituer la faune et la flore de l’époque précoloniale. Ceci inclut le pétrel, une espèce d’oiseau rare indigène aux Bermudes, aussi connu sous le nom de cahow, jadis considérée comme éteinte, mais qui est en voie de régénération à cet endroit. Une « CahowCam » permet d’observer en ligne les oisillons éclore dans leurs nids souterrains, une manière innovatrice de mettre en valeur la biodiversité unique des Bermudes. La régénérescence de la Nonsuch Island a également permis de réintroduire d’autres espèces dans l’écosystème local, incluant le lézard des Bermudes, la coquille de pie et le bihoreau violacé.


Un chercheur consigne des données recueillies auprès d’un cahow indigène sur la Nonsuch Island; l’épave du HMS Vixen

En matière d’éducation, l’Institut d’exploration sous-marine des Bermudes à Hamilton est l’endroit idéal pour faire découvrir l’île à toute la famille grâce à son centre de découvertes, à sa galerie des épaves et à son exposition Living with the Ocean, qui examine les conséquences de la présence humaine sur les milieux marins. Les enfants aiment particulièrement la salle aux trésors, où sont exposés des objets comme des pièces de monnaie rares en or ou en argent, des bijoux, de la verrerie et de la poterie – et même un cure-dents doré –, tous recueillis dans les épaves gisant sur le fond marin.


Une réplique grandeur nature d’un immense poulpe suspendue dans le hall d’entrée de l’Institut d’exploration sous-marine des Bermudes; le Montana, un bateau à roues à aubes latérales

Les activités pédagogiques offertes dans les hôtels des Bermudes permettent de faire participer les enfants grâce à des programmes conçus pour présenter les connaissances sur les milieux marins de manière ludique. Au Hamilton Princess & Beach Club, un hôtel géré par Fairmont, le Club privé pour enfants offre des activités supervisées qui favorisent l’éducation expérimentale et abordent des thèmes variés allant des naufrages à la science, en passant par le développement durable.

Il existe de nombreux avantages à protéger le patrimoine diversifié des Bermudes, notamment en ce qui a trait au rétablissement de l’équilibre écologique et aux réussites locales en matière de conservation. Que ce soit en parcourant en ligne l’univers des naufrages, en explorant sur le terrain une pépinière de corail ou en découvrant en famille des trésors ensevelis, vous exhumerez un artéfact inestimable en soi : l’histoire des Bermudes. 


Un poisson-coffre à points blancs entouré de corail, qu’on peut observer lors d’une excursion de plongée Fairmont; le terrain de jeux à thématique de naufrage de l’hôtel Hamilton Princess & Beach Club

Par Doug Wallace

Comments

More Posts From This Category